1978. Il fait chaud, c’est un été superbe. Le long des autoroutes de Denver, Chicago ou Kalamazoo (Californie), un beat lourd claque soudain dans toutes les bagnoles. Pour accompagner un rock lessive/lessivé/lessivant, qui, bien décoré d’harmonies vocales flasques, se répand sur les sièges. Le texte est crétin, mais la clientèle ne s’arrête pas à ces détails. Mick Fleetwood et John Mac Vie marquent le tempo solidement, sans trop penser à John Mayall. Pendant ce temps, Peter Green est peut-être interné, ou clochard, ou fossoyeur à Bombay. Personne ne sait, et franchement tout le monde s’en fout. Après Fleetwood Mac, ce sera les Bee Gees, ou Supertramp, ou… Mais pas de blues, surtout pas. Mick Vernon, loin de là, jugule la débâcle de Blue Horizon comme il peut. En fait, une seule chose importe encore, c’est que Fleetwood Mac new-look, ait vendu plus de 25 millions de son dernier opus.
Condamnant ainsi une bien belle page du rock anglais à l’oubli total, pour le grand public. Dont on dirige et manipule les goûts, avec douceur, mais fermeté. Au pire, pour les consuméristes, à un truc ringard et embarrassant, dont il vaut mieux se débarrasser très vite. Pensez donc, faire référence à un obscur groupe qui a eu quelques hits vers 1968, c’est de la sénilité grande modèle. Non, mais franchement, vous préférez vraiment ce comment… Peter Green (qui ?) au talent éblouissant de Stevie Nicks ?
Oui. Pour faire simple. D’abord parce que l’histoire est trop connue pour la ressasser encore. Et puis trop triste. Celle de Peter Greenbaum, émule surdoué de BB King, formé à la rude école des Bluesbreakers. Lui qui avait déjà une façon toute personnelle d’aborder les douze mesures sur le premier FM, et n’aura de cesse d’évoluer. Jusqu’à la splendeur électrique de Then Play On. Fut-ce au mépris de la sacro-sainte crédibilité. Merde, on était pas Chicken Shack, non plus (Christine Perfect, déjà, qui pointait le bout de son nez). Avant de péter les plombs gravement. Et de devenir l’exemple même du loser parfait. Comme on soupire pudiquement en évoquant Johnny Thunders, on a du chagrin pour Peter Green. Capable de braquer un flingue sur le patron de sa maison de disques, pour qu’il arrête de lui faire gagner tout ce fric dégueulasse. Aussi facilement qu’il fît beaucoup avec si peu (Albatross).
La tourmente a aussi emporté Jeremy Spencer, imitateur doué. C’était son seul talent. Impressionnant quand il se prenait pour Elmore James. Sorti de ce pré carré, il avait à peu près l’envergure artistique de Franck Dubosc. Et puis Danny Kirwan, à réhabiliter. On lui doit beaucoup de bonnes choses sur Then Play On. Disque qu’il faut citer encore et toujours.
Et la Cadillac (ou la Pontiac) roule toujours. Le volume est au maximum maintenant. Le DJ s’excite comme une bête, enchaînant le dernier Rod Stewart au nouveau Earth Wind And Fire. Dans un quart d’heure, ce sera de nouveau Dreams ou Don’t Stop. Moi j’ai treize ans, et encore une décennie pour découvrir ce drôle de disque, avec un chien et une poubelle, sur la couverture. Par contre, l’année d’après, mon jeune esprit sera assez gravement secoué par Green Manalishi. Rock puissant, distillé par un Mac poussant les feux à bloc, avant calcination interne du moteur. La mauvaise graine était semée.
Le reste est moins important.
Laurent M.
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